Discussion avec Anna Conda, qui nous parle de son parcours et de sa relation à l'art.
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Crédit : Anna Conda
L'œuvre dont tu es la plus fière ?
Fière, non.
Une fois que l'œuvre est faite, je m’en détache. En tant qu’artiste, on est critique sur ce qu’on fait, parce qu’on évolue, on est dans une recherche d’aller plus loin dans son travail.
Ne pas être content de son travail, c’est le moment le plus important pour évoluer.
Peut-être que l'œuvre dont je suis la plus fière je ne l’ai pas encore faite ... La fierté, ça va venir avec le temps, quand je regarderai une œuvre que j’ai faite quelque temps auparavant. Je ne retouche pas les œuvres terminées, elles deviennent une partie de mon parcours, il faut accepter ce qui a été fait.
L’important dans mon travail c’est vraiment la recherche, parce que la technique finalement ça vient tout seul au bout d’un moment.
L’artiste vivant qui t’inspire le plus ?
Ce qui m’inspire, c’est la poésie, la musique, la nature, des voyages, des rencontres ...
Après j’aime beaucoup le musée d’Orsay, les impressionnistes (Gauguin, ...) et l’art contemporain mais je ne sais pas si ça crée un effet sur ce que je fais. C’est avant tout un plaisir esthétique ; je suis curieuse de beaucoup de choses.
Les classiques, ce sont comme des bases en fait. Pour progresser, il faut s’intéresser à l’art, à l’Histoire, aux actualités, aller voir des galeries, voir ses peintres préférés ... et d’autres sources d’inspiration, comme la poésie ou la musique - à force de s’intéresser et d’étudier, on s’améliore, on a envie d’expérimenter et de faire de nouvelles choses : du réalisme, de l'illustration, mélanger les deux, ...
Moi, je cherche avant tout une émotion pour la transformer en peinture.
Crédit : Anna Conda
Ça fait combien de temps que tu peins ?
Je suis artiste depuis 10 ans, j’ai commencé avec de la sculpture, que je collais un peu dans la rue. J’avais fini l’école d’Arts Plastiques en me spécialisant dans les installations . Un jour j’ai été invitée à un festival de street art en tant que plasticienne, c’est à ce moment que j’ai connu ce mouvement culturel et que je me suis dit “et pourquoi pas la peinture ?”. Dans le futur, je suis sûre que je vais pouvoir soit continuer la sculpture en parallèle, soir marier sculpture et peinture !
Comment prépares-tu tes interventions ?
Parfois ça prend du temps, je peux en passer beaucoup sur un croquis, je fais des recherches, sur des légendes, sur l’endroit où je pose. Quand je vais dans de nouvelles villes pour peindre, je regarde tout sur son histoire, ses habitants, ses coutumes, ses traditions, ... et puis je me renseigne beaucoup sur le bâtiment, j’essaie de créer un lien avec l’environnement dans lequel je peins.
Mais parfois ça peut être plus spontané ... après une intervention préparée par exemple. Il me reste de la peinture donc je vais dans un endroit, pour peindre en freestyle et voir ce qui en sort.
Crédit : Anna Conda
Quelles émotions, quelles réflexions cherches-tu à véhiculer auprès du public ?
Je ne cherche pas à transmettre d’émotion, ni à passer un message, ce que je fais marche comme un reflet de mon sentiment du moment. Si ça résonne chez quelqu’un, c’est bien, mais c’est à chacun de le ressentir, par soi-même. Les choses doivent se faire naturellement, les gens peuvent interpréter librement.
Je ne donne presque jamais la clé de lecture pour dire ce que représentent mes œuvres. Quand on me demande, je retourne la question à celui qui me l’a posée : “Qu’est-ce que vous, vous y voyez ?”. La réponse la plus juste vient de la personne qui regarde l'œuvre.
Si j’explique, je coupe l’imagination aux gens, avec l’interprétation que j’ai et qui me vient de mon expérience, et qui est forcément différente de la leur. C’est comme quand on regarde un film, on sent de l’empathie pour un personnage ou un autre, et en fonction de sa sensibilité, on peut avoir de l’empathie pour des personnages différents.
L’art n’a ni début ni fin, il y a une histoire avec autant d’interprétations que de gens. Si je ne donne pas les clés, les gens voyagent par leurs propres moyens, au fond d’eux-mêmes.
Crédit : Anna Conda
D’où t’est venue l’envie, le besoin d’intervenir dans la rue ?
J'aime le support, très grand. C’est pour ça que j’aime l’art contemporain avec ses grandes installations. Ça me crée une émotion énorme, cette grandeur, comme devant l’océan ou dans la forêt qui n’a pas de fin, c’est splendide.
Les installations, j’avais commencé parce que c’est justement plus grand que moi. Dans la peinture, ce que j’aime bien c’est d'inclure le mur dans la peinture et dans le paysage, que les deux se marient bien. Tout dépend du format mais quand j’arrive à intégrer la peinture dans le paysage, ça me provoque une satisfaction, ça fait une continuité avec l’environnement. Par cette action là, je cherche à sensibiliser les gens envers l’art, les faire voyager, qu’ils éprouvent des émotions, ou pas.
J’ai travaillé sur papier, mais ce qui me manque c’est le geste ! Sur un mur immense, le geste peut être libérateur. Les street artistes, on peut les comparer à des danseurs quand ils interviennent sur un mur ! La peinture, c’est une relation avec le support, le mur, c’est une performance, c’est une histoire qui se crée. Ce geste provoque une émotion positive de liberté, de joie ; parfois j’ai l’impression de danser, mais parfois c’est encore plus que ça, j’ai l’impression de faire du sport, avec des échelles, des nacelles, ... !
L’art de rue permet de sensibiliser envers les arts. Surtout dans les grandes villes, les gens n'ont pas le temps, dans leur bulle de métro-boulot-dodo ... parfois je reçois des messages “merci d’avoir mis de la couleur dans ma rue, chaque jour je la prends pour aller au travail, ...”.
L’art, c’est une thérapie : Kandinsky par exemple a étudié ce que la couleur peut provoquer sur le mental. L’objectif n’est pas forcément de me faire connaitre, c’est vraiment d’orienter les gens pour qu’ils fassent des choses hors de leur quotidien, et qui nous manquent quand on vit dans les villes ; on oublie souvent que ça existe - la peinture permet de s’en rappeler, de voyager dans un autre monde, de sortir de son quotidien.
Crédit : Anna Conda
Anna Conda à la loupe
Quelle est ta définition du street art ?
L’expression artistique, sous toutes ses formes, dans la rue.
Ce que j’aime bien, c’est quand les artistes utilisent autre chose que des toiles pour présenter leurs œuvres, et trouver un moyen de rappeler l’esprit de la rue.
Quelle est ton ambition pour les mois à venir ?
J’ai des projets de fresques en Bretagne et à Paris notamment. Je ne fais pas dans le commerce, ça m'éloigne de mon objectif, de mon art - vouloir faire de l’argent ça rend les choses moins authentiques.
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